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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/55

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HUGHES.

Non ! Je lui cache soigneusement mon pieux mensonge. Elle est orgueilleuse. Elle se trouverait humiliée. Il me faut inventer chaque fois de savants stratagèmes… C’est même pour cela que je vous ai fait venir, Joris. Vous êtes mon ami, mon sûr et dévoué ami. Rendez-moi service aujourd’hui. Soyez de moitié dans mon projet. Vous allez le trouver absurde, bizarre… Je vous ai cependant expliqué ce que je tente follement pour abolir ce qui est. Donc cette idée m’est venue, un jour, je ne sais comment. Si ! je me rappelle… Vous savez que j’ai tout gardé de la morte : son linge d’autrefois, avec des sachets, est empilé dans les tiroirs ; ses anciennes toilettes pendent dans les armoires… Or il m’a pris l’envie — une envie devenue une idée fixe, et qui m’obsède, m’hallucine ! — l’envie de voir Jane avec une de ces robes, habillée comme ma Geneviève l’a été. Imaginez ce moment, moment de délice et d’illusion suprême : la voir là, devant moi, elle déjà