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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Plus de douleur, plus de regrets ! La plainte même et l’élégie sont entraînées dans la ronde épique ; et la chevauchée impériale se termine en un carrousel, où bondit un peuple jubilant, que mène le poing d’un héros.


Dans l’Adagio assai, le héros est mort. — Jamais il n’a été plus vivant. Son esprit plane sur le cercueil, que porte l’humanité[1].

Une Marche funèbre… Le thème en était bien rabattu, h cette époque d’apothéoses héroïques ! Mais comme Beethoven La renouvelé par le dedans, l’accent intime, par l’âme à nu — son génie propre ! (Encore qu’en 1803 il n’ait pas entièrement dépouillé l’éloquence, comme il le fera, dans les années qui suivront 1817.) Mais dans cette éloquence, rien qui ne vienne du cœur. Le majeur « dolce cantando » est le poème moderne, à mon sens, le plus pro-

1. Qu’on me permette l’évocation d’un rêve qui m’a été conté ! Un poète, absorbé dans la création d’un chant épique, vit en songe ceci :

Sur une place d’Italie, aux temps de la Renaissance, un cortège funèbre, aux sons d’une marche imposante, se déroulait. Un peuple en deuil suivait le catafalque du héros. Et le rêveur voyait le mort. Et en même temps, il l’était. A la fois, étendu dans le cercueil et flottant au-dessus, dans les chants de la foule et le ciel clair. — Cette identification absolue du visionnaire et de sa vision, du héros chanté et du chant, s’est réalisée certainement dans VAdagio assai de VHéroïque,

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