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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Elle n’apparaît à Beethoven qu’au dernier instant. Est-elle donc le fruit, non du génie, mais de l’application, comme aiment à se le persuader ces bons talents de labour, qui, de tous, ignorent le plus l’essence du génie ? Mais c’est le génie même qui se manifeste en cette application, le génie insatisfait, qui juge l’insuffisance de chaque essai qui va au fond, à chaque fois arrachant à la gangue une parcelle du métal pur qu’il veut, qu’il sait en lui. Car ces huit versions, ces huit formes, sont toutes en lui, celles de surface, comme celles du fond. Mais le génie ne s’arrête point qu’il ne touche au tuf. Et la marque de son élection est que jamais il ne se trompe sur la valeur relative de l’une ou de l’autre idée. Ce qu’il découvre après des efforts sans nombre, c’est, non la dernière, mais la première, la vraiment sienne, l’immédiate, expression du sentiment qui le travaille, de la force essentielle, dont le séparait un amoncellement de banalités apprises, de traditions froides, de lourdes alluvions. Le génie de Beethoven est dans cette intuition du « Melieur »[1] caché, de ces profondeurs de l’être, où gît le métal magique de l’inspiration.

Il ne va point au hasard. Dans ce sous-sol du subconscient, sa volonté garde toujours la lueur de sa direction. Ainsi qu’il le dit explicitement à Schlösser, après avoir décrit son travail de terrassement :

« Alors commence dans ma tête L’ouvrage en large et en serré, en haut et en profond… Et comme fai conscience de

1. Meilleur. (Ainsi écrit Beethoven au-dessus d’esquisses qu’il choisit).

  1. 1