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BEETHOVEN

Ces deux missions impératives commanderont l’œuvre musical de toute sa vie : -—- Etre Beethoven, le vivant, l’homme de chair, l’homme de souffrance et de vaillance» celui qui ne sera jamais qu’une fois, et qui, selon le vœu pitoyable de tous les humains, s’efforce d’en prolonger la durée, en imprimant au cœur des hommes les vibrations de son existence passagère et son image idéalisée ; -—- accomplir l’œuvre et le style, l’esprit d’un temps, ce plus grand Etre de pensée, plus réel que les êtres d’un jour, où se concentre l’essence mystérieuse et tenace de lame d’un siècle. Car de même qu’en la forme d’un temple grec, ou de la cathédrale gothique, se résume la flamme, qui brûle encore, de millions de vies éteintes, —• de même tout un âge de l’esprit d’Europe, presque tout le siècle xix, se condense en musique sou3 cette forme-Sonate, que Beethoven devait immortaliser 1.

Je ne puis m’attarder ici à la description de cette forme musicale ; il me faut supposer que je m’adresse à des musiciens, avertis des rudiments de l’art. Rappelons seulement que la forme-Sonate, issue des besoins nouveaux de l’esprit musical d’Occident, dans la seconde moitié du xvme siècle, se ramène essentiellement à l’ordonnance suivante : 1° L’exposition de deux tonalités, ou thèmes, ou groupes de thèmes, contrastants ;

1. Je rappelle, pour les profanes, que la forme-Sonate n’est pas équivalente à la Sonate. Elle a un sens beaucoup plus vaste, puisqu’elle s’adapte à un gTand nombre de genres musicaux : quatuor ou symphonie, ouverture ou concerto.