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BEETHOVEN

mouvement initial du premier Allegro de la Pathétique Aussi, le succès de la Pathétique eut-il, comme l’œuvre même, un caractère théâtral. Le récit de Moscheles a montré qu’on se passionna pour et contre cette sonate, comme on le faisait seulement ou sujet d’un opéra.

Sans doute, Beethoven, dégoûté de ce genre de victoire, ne la renouvela point. Il chercha, dans les sonates suivantes, 11. On n’a pas assez parlé de l’influence exercée par Gluck sur le jeune Beethoven. Elle ne me paraît point douteuse, — non dans la construction symphonique, où l’auteur d’Orphée était un maître insuffisant, — mais dans l’expression dramatique, l’énergie de l’accent, la concision du parler musical, le dessin large et clair, l’homophonie monumentale, le puissant ramassé de la passion en une sorte de sculpture colossale, comme les œuvres de Pergame. Gluck a moins agi sur Beethoven par l’autre côté de son génie — par la perfection élyséenna de quelques-uns de ses tableaux, qui se rattachent plus à l’idéal du xvme siècle, épuré par un rayon de Pompéi et de la Grèce renaissante, qu’à l’idéal monumental et populaire de la Révolution et de l’Empire, dont Gluck fut un des précurseurs.

Gluck était un des cinq musiciens, dont Beethoven avait ou voulait avoir les portraits dans sa chambre :

1815 : « Hændels, Bachs, Glucks, Mozarts, Haydns Porlràte in meinem Zimmer, sie konnen mir au) Duldung Anspruch macken helfen. » fManuscrit Fischhoff.)

Ce n’était pourtant pas pour l’avoir entendu au théâtre que Beethoven le connaissait. Pendant tout son séjour à Vienne jusque vers ISO/, on ne joua rien de Gluck ; et, à Bonn, il n’avait pu assister, tout au plus, qu’à un de ses opéras-comiques. — Mais j’ai dit, dans le chapitre précédent, que Beethoven était, au clavier, un interprète admirable des partitions de Gluck. Longtemps, après les vieux mélomanes en conservèrent le souvenir ému. — Et que ne donnerions-nou3, pour avoir pu entendre la sauvage Danse des Furies (2° 2S d’Orphée), déchaînée par les doigts de l’homme de VAppassionata ! D’y penser seulement, je sens passer dans mes moelles le frisson et l’effroi.