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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

soit plus de naturel (op. 14 n° 1 et surtout n° 2 : sonates en nu majeur et en sol majeur), soit, dans la construction, une réussite de style plus impersonnel (op. 22, sonate en si bémol majeur).

Mais on le voit flotter, jusqu’à la fin de cette période entre les préoccupations de l’architecte, entêté d’un grand style Q et les caprices impérieux d’une sensibilité 1 2 débordante et d’une libre fantaisie qui veulent être assouvies. Alors, quand il se retourne et que, de la première ligne de faîte où il est monté, il embrasse, en 1802 la suite de scs quinze sonates, que voit-il ? — Une succession d’essais, qui lui paraissent contradictoires et incomplets. Il voit des sonates d’architecte, dont l’esprit est abstrait (op. 2 n° 3 ; op. 22) — des sonates d’impressions (en grand nombre), que relie une logique assez faible, et où se joue l’humour poétique d’une journée, — des sonates de théâtre, qui empiètent sur le terrain de la scène dramatique, — des 1. Jusque dans le rondo de la sonate op. 28, cette idylle pastorale, qui se prêtait le moins à la dialectique oratoire, Beethoven ne peut résister à la {orme-Sonale, qui lui permet de développer musicalement 6es impressions. Et d’ailleurs, il réussit ce tour de force, avec un grand art.

2. Attention à ce mot ! Il ne comporte aucune acception sentimentale. De sentimentalité, il n’y a point trace dans les émotions, toujours viriles, de Beethoven. Je rappelle son dégoût pour les larmoyeurs. S’il y a des larmes dans le Clair de lune, elles sont de rage, elles sont de feu. — Et si vous écoutez bien la Marcia junebre sulla morte d’un eroe (dans la sonate op. 26), vous n’y trouverez pas une once d’attendrissement à la Chopin. De ces ceux mots : « Marcia Funèbre » c’est la Marche qui domine le sentiment funèbre. Les héros de Beethoven meurent debout.