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BEETHOVEN

dire : on a joué ; jusqu’à notre temps, Fidclio à contre-sens1. Lconore n’est pas qu’un rôle. C’est un drame musical, une tragédie avec des chœurs. Et ni les directeurs, ni les metteurs en scène ne paraissent s’en être doutés.

1. Une étude récente de Hermann W.v. Walfcershausen (dans le Neues Beethoven Jahrhuch, 1924) : Zur Dramaturgie des Fidelio} relève avec perspicacité les erreurs ordinaires de l’interprétation et de la mise en scène. Il n’est pas inutile d’en souligner ici certaines indications, relatives à l’âge et au physique des héros. — Florestan n’est pas un jeune premier, un ténor amoureux : c’est un homme de quarante ans, mûri dans l’action politique et déjà vieilli par l’épreuve Il faut en accentuer le caractère viril, résolu, stoïquement résigné, que dessine fidèlement la musique, surtout dan3 la première version.— Leonore, tout au contraire est une jeune femme assez frêle, qui n’a rien de l’héroïsme vociférant et mamelu des massives Brünnhildes wagnériennes. Le grand opéra du xixe siècle et la scène de Bayreuth ont déformé l’optique et l’acoustique théâtrales. Waltersliausen rappelle avec raison combien cette énormité de formes et de poumons s’oppose au type de la chanteuse dramatique du temps de Mozart formée dans l’art du bel canlo italien. Le registre mezzo était alors exigé de la sopraniste, non seulement tragique, mais « buffomsta » et « vocalisante » (comme la Reine de la nuit). Les chanteurs d’alors n’étaient pas spécialisés, comme aujourd’hui, dans un registre étroit, où on les « force », ainsi que sous une cioche à melon, jusqu’à la bouffissure. Souplesse et finesse étaient qualités obligées du chant, comme de l’orchestre. Et le délicat portrait de la jeune Wilhelmine Schrôter Devnent. (Cf. Beethoven-Almanach der Deutschcn Musikbücherei, 1927 nous offre le type idéal d’une Leonore, au temps de Beethoven. La musique marque bien, au premier acte, sa fragilité, sa lassitude, sa surexcitation nerveuse. Leonore n’est héroïne que par amour, et elle ne pourrait se maintenir longtemps à ce niveau de tension : ello est brisée, elle s’évanouit (a). Cette finesse de formes seule légitime le travesti, que rend grotesquo la viscérale ampleur de nos Gargamelles du Walhalla.

Le prof. Josef Turnau, intendant général des théâtres de Breslau donne aussi des conseils intéressants, dans son étude sur Die Insze-