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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

sence… « O Hoffnung ! Rettung… O Freiheit, kehrst du zurüch… » Puis, elles retombent dans la peur, les chuchotements. elles s’appellent au silence, à la prudence… Mais sur cette foule frissonnante et ses murmures épeurés, l’orchestre chante le bonheur du jour, la jouissance de Pair dans les poitrines ; et sur les traits libérateurs des flûtes, des clarinettes et des violons, l’âme prisonnière semble s’évader 1. La première version du poème imposait à Beethoven, pour terminer Pacte, au lieu de la redescente des prisonniers dans la nuit, une scène mélodramatique, dans le goût de Monsieur Scribe : le traître Pizarre exhorte ses sbires à la vigilance ; et ceux-ci, dociles, bien d’ensemble, protestent de leur dévouement, comme un chœur des Huguenots. Le musicien s’est donné un mal extrême pour traduire ces paroles, cette situation, dont il sentait la niaiserie ; et comme il était sincère, les premiers dessins qui lui venaient involontairement étaient bouffes 1 2. Il effaçait, recommençait ; en désespoir de cause il interrompait le travail pour écrire une sonate, un triple-concerto, d’autres pages de Leonore. En vain ! La scène malencontreuse ne parvenait pas à l’échauffer ; il devait se résigner à un finale vide et boursouflé, qui lui pesait sur la conscience. Heureusement, lors du ramaniement de 1814. l’intelligence de Treitschke lui fournit les moyens de faire sauter cette fin ridicule, et 1. Une feuille d’esquisses nous révèle, une fois de plus, que ce motif instrumental est né dans le subconscient, avant que l’intelligence en ait reconnu la signification. Beethoven le destinait d’abord au finale du Concerto en sol majeur. (Cf. Beethooeniana, p. 13-14.) 2. Zweite Becthoveniana, p, 415.

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