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BEETHOVEN

il la remplaça par le divin chœur et quintette, qui termine maintenant l’acte. Ce second chœur des prisonniers fait pendant au premier, et forme avec lui un contraste et une harmonie parfaits : après la montée du tombeau, la retombée, —l’inexprimable mélancolie des regrets, du jour qui s’éteint, de l’espérance qui bat des ailes, et meurt…


Cette fois, Beethoven nous tient la main. Il ne la lâchera plus, jusqu’à la fin. Nous descendons, avec Orphée, au fond du royaume de la Douleur. Mais ici, la situation a changé : c’est Eurydice qui va sauver son Orphée. Tout le troisième acte de la première version (le second de Fidelio, que l’on représente aujourd’hui) est un sublime Mystère religieux, un Saint-Sépulcre où l’âme agonise, et ressuscite… Où avait-on entendu de pareils accents, à l’Opéra, depuis Alceste P Mais le grand cœur de Gluck ne disposait point de tels moyens d’expression symphonique. Ces puissants accords, comme des piliers 1, ces résonances de voûte, ces basses qui soupirent, comme un Prométhée enchaîné, ces syncopes, ces arrêts du sang, ces battements à contre-temps, — mais par-dessous, toujours, ce large développement du flot, et sur cette souffrance sans révolte le sacre d’une infinie bonté !… Ah ! comme Beethoven se sent chez lui ! Plus de théâtre ! Le public est effacé. H est le roi dans son château de la Solitude. Son Moi immense

1. Josef Braunstein a montré que Beethoven s’était souvenu, pour le début de cette introduction instrumentale, du début de sa Trauerkaniate pour la mort de Joseph II,