Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
260
BEETHOVEN

que Berlioz a éprouvée jusqu’à en défaillir d’émotion : il a décrit « cette mélodie sanglotante, ces palpitations de l’orchestre, ce chant continu du hautbois’ qui suit le chant de Florestan comme la voix de l’épouse... » — L’une et l’autre version s’achèvent pianissimo, dans l’épuisement. La même sourdine est maintenue pendant les scènes dramatiques qui s’enchaînent à celle-ci ; et Beethoven insiste sur cet effet, dans ses indications. En tête du tragique duetto des fossoyeurs qui suit le « mélodrame », — cette élégie épique •—- sur un accompagnement à la Schubert (trombones voilés, cors, contrebasses, contrebasson), dont le grondement enveloppe de ses vagues monotones la plainte des hautbois et clarinettes, — il a marqué :

— « Ce morceau sera joué, d’un bout à Vautre. très doucement ; les sforzando et forte ne doivent pas être rendus trop fort, 1 »

Depuis le début de l’acte, l’action a pris le ton d’épopée ; et il est le vrai. Le drame individuel est devenu Destinée. La plainte même de Leonore, creusant la fosse de celui qui va être sacrifié — (elle ne peut savoir encore s’il est son Florestan) — se dépouille de tout caractère romantique, trop subjectif ; elle s’élève à la majesté du récit ; sa douleur se transmue en une pitié universelle : •— « Wer du auch seist, ich wiïl dich retten... » A un seul instant — (« Ich wiïl, du Armer, dich befrein ») —"l’accent monte à un sforzando crescendo, mais sans dépas- 1. « Dieses Stück wird durchaus sehr leise gespiell und die sf. un ! /. müssen nicht zu siark ausgedrückt werden. »