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BEETHOVEN

(à part la période assez courte avec Holz — 1825-26 — où il est désemparé)[1]. Plus que de chair, mangeur de poisson : c’est son régal. Mais sa cuisine est rustique et rude ; les estomacs délicats ne la supportent pas[2].

L’esprit qui le possède rend, à mesure qu’il vieillit, ses conditions de vie désordonnées. Il lui faudrait une femme qui veillât sur lui ; sans quoi, il oublie de manger ; et il n’a pas de foyer. Mais il n’est point de femme qui se dévoue totalement à lui ; et peut-être son indépendance se refuse d’avance aux droits dont exciperait sur lui un tel dévouement.

Pourtant, il aime la femme, et il a besoin d’elle. La plsce qu’elle a tenue dans sa vie est plus grande que dans celle, je ne dis pas d’un J.-S. Bach ou d’un Hændel, mais d’aucun autre musicien. J’y reviendrai. Mais, quoique sa nature avide brame après l’amour, et quoique l’amour l’ait

der Familiee Wegeler-Breuning, par Stephan Ley (Bonn, 1927), et puisé aux riches archives beethoveniennes des Wegeler :

« Beethoven nous parla souvent, à Breuning et à moi, dans les dernières semaines de sa maladie, des bruits fâcheux pour sa réputation morale, qu’on ferait courir sur lui, s’il mourait de cette maladie… Il en avait une extrême douleur, d’autant plus que ces calomnies étaient répandues par des hommes qu’il avait reçus à sa table. Il nous supplia de lui conserver après sa mort l’amour et l’amitié que nous lui avions montrés durant sa vie, et de veiller à ce qu’au moins sa vie morale ne fût point salie… » (und zu waehen, das wenigstens sein moralisches Leben nicht befleckt wurde). 1. Encore faut-il se méfier ici du témoignagne de Schindlcr, ennemi de Holz, qui l’avait évincé. 2. Ses deux jolies « sorcières », ses chanteuses de l’Ode à la Joie, la Unger, la Sontag, qu’il héberge, sont près de rendre l’âme, après un de ses déjeuners.

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