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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

énergique, la contemplation même avait un caractère actif ; et sa foi au divin (en toute humilité) était une foi en soi, l’instinct d’une mission future. Elle avait, dans son petit jardin au milieu du grand parc, fait élever un monticule orné d’une pyramide de marbre rouge, dédiée à la mémoire de son père. Elle y restait assise, des heures ; et un jour, à cette place, elle se voua solennellement, dans l’esprit d’emphase héroïque du temps, au rôle de « Prêtresse de la Vérité ». Sans emphase, toute sa vie, elle a tenu le vœu* Elle a été la fière servante, meurtrie, jamais lassée, du Vrai. Vint le jour où les poulains sauvages de la Puszta, ivres d’air et d’espace, furent, sans préparation, conduits dans la grande ville, afin d’y être dressés. Ce fut bref et brutal... « Notre mère nous mena de la Kir derstube (de la chambre d’enfants) 1 à Vienne. Nous fûmes là, dix-huit jours et trois heures. Et tout fut décidé. A dater de ce temps, les jours les plus amers et les événements les plus tragiques furent notre lot... »

Mais ces jours s’étaient ouverts par une dernière quin- 11. Elles n’étaient plus, pourtant, par l’âge, des enfants. Mais leu ? vie a la campagne les avait gardées plus jeunes que leurs vingt ans Et iiicrèse conserva toujours sa jeunesse du cœur,