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BEETHOVEN

Nous n’avons jusqu’ici parlé de Thérèse qu’incidemment. Pendant cette période, elle ne tient dans la vie de Beethoven qu’un rôle de second plan. Elle a, d’ailleurs, beaucoup moins que ses deux sœurs, l’occasion de le rencontrer. Elle est la moins favorisée ; elle vit, le plus souvent, hors de Vienne, à Martonvâsâr, ou à Ofen, chez sa mère, dont le caractère autoritaire et l’étroitesse, d’esprit lui donnent à souffrir. Ajoutez que sa santé est, à cette époque, extrêmement délicate et contribue à l’isoler. De telles circonstances n’ont pas peu contribué, sans doute, à former sa puissante originalité K

1. Isolée, d’esprit... Entendons-nous ! Mais non pas séparée du monde, où elle a des triomphes éclatants. Il est peut-être utile de les rappeler : car il s’est créé une légende de Thérèse contrefaite, disgraciée ; et les « bien informés » vous diront que cette « laideur » lui interdisait d’être aimée de Beethoven. J’avoue n’avoir point reçu, comme eux, ces confidences de Beethoven qui, si j’en crois une lettre célèbre à Franz v. Bruns vik, l’embrassait volontiers. Mais il me paraît que, dans la société aristocratique, elle n’a point manqué d’adorateurs. Sans parler de son « Toni », qui fut une passion partagée, on verra plus loin, dans sa cour, de grands seigneurs blasés comme le grand-duc de Toscane ; et même, après sa quarantième année, le baron Podmaniczky la fatiguera de ses poursuites et de ses demandes en mariage, qn elle éconduira pendant quatre ans. — Ün ne connaît ses traits que par un seul portrait de jeunesse (a), dont une mauvaise copie, probablement brossée par elle, se trouve dans la maison de Beethoven à Bonn. L’original, par Kallhofer, au château de Korompa (dont nous avons la bonne fortune de pouvoir, grâce à la bienveillance des comtesses Chotek, donner, pour la première fois, une excellente reproduction), a un tout autre caractère : de beauz traits, intelligents et énergiques, une expression pure ét ardente, un regard intense, une bouche attrayante, une sève vigoureuse. Une lettre de 1808, qui décrit un buste d’elle, parle de « son regard ardent et voilé