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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Tous ceux qui ont parlé d’elle, jusqu’à ce que la connaissance des Mémoires, d’abord, puis du Journal, ait rétabli sa vraie image, l’ont inexactement représentée. Leur tort général a été d’attribuer à la jeune Thérèse des traits de Thérèse mûrie. Aucun homme, aucune femme, ne doit être et de ce charmant sourire qui ne la quitte jamais » (« Ihr lebendiger und doch umschleierter Blick, das liebenwiirdige Lâcheln, das Sie nie verlàsst... »). — Ne croit-on pas reconnaître ces traits dans la «ouate intime, op. 78, qui lui est dédiée par Beethoven ? Elle avait un défaut de la taille, dont nous n’aurions rien su, si elle — et elle seule — n’y avait fait allusion dans ses Mémoires et dans son Journal : preuve qu’il n’était pas très apparent et qu’elle parvenait à le dissimuler. Qu’était-ce, au juste ? Dans une poésie, jointe au Journal (Des Mâgdleins Roscn), où elle revoit mélancoliquement sou passé, elle semble faire allusion à un accident, à une côte brisée > s Der schône schlanke Gliederbau

Des muntern Kindchens ward

Zertrümmert und eine Rippe brach... »

Mais il faut voir là, sans doute, une licence poétique : car il ne serait pas vraisemblable que la fille à la côte brisée fût l’enragée danseuse (et danseuse admirée, choisie par des archiducs), que Thérèse fut en ce temps.

Ailleurs, elle parle d’ « einem gekrilmmten Rückgrat s, ou a d’un corset pour les épaules », qu’elle met seulement le matin. — Il est probable que sa vie sédentaire, pendant une époque de sa jeunesse, lisant trop, rêvassant, lui donna uue tendance à fléchir un peu la colonne vertébrale. Dans une note de 1809, elle se prescrit à elle-même : a Je veux redresser ma taille par une extrême vigilance, et s’il est possible, paraître tout à fait droite. » (29 mars).

Deux saisons à Karlsbad (1807-1808) et la vie au grand air, simple et saine, qu’elle mena à partir de 1809, paraissent l’avoir entièrement refaite et fortifiée. Le demi-siècle qui lui restait à vivre témoigne d’une extraordinaire résistance : car elle ne s’y ménagea point. Ecrasantes fatigues, épreuves do toutes sortes, ruines et deuils, rien ae lui fut