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BEETHOVEN

Il nous est difficile de nous en faire une idée[1], bien que des pianistes aussi avertis que Ries et que Czerny nous décrivent la richesse inépuisable du travail, le vertige d< «  difficultés, posées et résolues, la surprise des saillies, la griffe des passions. Ces hommes du métier, qui se tiennent sur leurs gardes, sont subjugués comme les autres par le dominateur. Quel que soit le milieu, dit Czerny, on ne peut pas résister ; le public est bouleversé. « En dehors de la beauté et de l’originalité des idées, il y avait quelque chose d’extraordinaire dans Vexpression. » Aloys Schosser parle de sa « fureur poétique »… Beethoven est comme le magicien de la Tempête. Il évoque les esprits, « des profondeurs jusqu’aux cimes »[2]. Les auditeurs éclatent en sanglots[3]. Reichardt pleure à chaudes larmes. Pas un œil ne reste sec…

Et quand il a fini, quand il voit ces fontaines, il hausse les épaules, et leur rit au nez, bruyamment :

« Les fous !…[4] Ils ne sont pas des artistes. Les artistes sont de feu. Ils ne pleurent pas[5]. »

profondeur et la puissance complète de son génie. » (Baron de Trémont.)

Dès 1790 ou 1791, un auditeur écrit que « son jeu est différent de toute la manière habituelle de jouer du clavier ».

1. Sinon, peut-être, par la Fantaisie pour clavier, orchestre et chœurs, op. 77, — si l’on en croit l’observation de Moscheles, qui ne pouvait l’entendre, sans qu’elle lui évoquât le souvenir de Beethoven, improvisant.

2. « Ans der innersten Tiefe, im dem höchsten Hohen und tieffsten Tiefen. » (Reichardt, 1808).

3. Czerny.

4. « Narren ! » (Czerny).

5. « Aha, die meisien Menschen sind geruhrl über etwas putes ; dus sind aber keine Künstlernaturen, Künstler sind feurig, sie weinen

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