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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Cet aspect de Beethoven encore, on ne le connaît guère ! On ne se doute pas de son mépris pour la sentimentalité[1]. On fait de ce chêne un saule pleureur. Mais les pleureurs sont ceux qui l’écoutent. Lui. domine l’émotion :

— « Pas d’émotion ! dira-t-il à un ami, à l’heure des adieux. Ferme et vaillant doit être l’homme, en tout[2]. »

On le verra faire à Goethe une leçon d’insensibilité[3].

S’il laisse passer dans son art les tourmentes qui ravagent sa vie intérieure, c’est parce qu’il le veut bien ; et. l’artiste en reste maître, jamais elles ne l’entraînent. Il en a été le jouet ?… Maintenant, à son tour ! Il les tient, il les regarde. Et il rit.

nicht. » — Le comble est qu’immédiatement après cette déclaration il jouera à Bettine son lied immortel sur l’immortelle poésie de Goethe,

« Trocknet nicht, Thrânen der ewigen Liebe !… »

(Ne séchez pas, larmes de l’éternel amour !)

1. Cet homme, dur à soi-même, méprisant des hommes-femmes et de leurs ellusions, est, dans sa vie privée, extrêmement réservé : au point que ses intimes n’ont presque rien pu savoir de ses amours, et que le harsad seul nous a fait retrouver l’unique a Lettre à l’Immortelle Aimée ». — Il n’est pas plus prodigue de ses confidences sur son art. Et quand son art le trahit trop, il lui en tient rancune. Je dirai plus loin le silence hostile qu’il garde sur sa sonate du « Clair de Lune ».

2. « Keine Rührung mehr ! Fest und mutig soll der Mensch in allen Dingen sein. » (à Schlosser).

3. Dans des articles récent ? (Europe, 15 mai et 15 juin 1927), que je reprendrai plus tard, j’ai mis en présence les deux hommes et montré en quoi ils différaient de l’image communément admise.

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