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BEETHOVEN

La vie sociale, d’abord. Ce n’est pas peu pour le Beethoven de 1800 !

Imagine-t-on l’éclat d’un artiste, qui vient de donner au monde, en cinq ans, les dix premières sonates pour piano (et, dans le nombre, la Pathétique), les cinq premières sonates pour piano et violon, les huit premiers trios, les six premiers quatuors (et d’un coup, en une gerbe jetée aux pieds du prince Lobkowitz), les deux premiers Concertos pour piano et orchestre, le Septuor, la Sérénade !…

Et je ne nomme que les plus célèbres, les œuvres dont les feux, un siècle après, n’ont point pâli. Se représente-t-on le trésor de poésie et de passion que ce jeune génie a versé là-dedans : grâce mélodieuse, humour et fantaisie, ou fureurs déchaînées, ou sombres rêveries ? Tout un monde nouveau, comme l’ont immédiatement senti les contemporains et surtout les jeunes gens[1]. Ainsi que le dira Louis Schlosser : « Le héros musical, dont le génie, déchaînant l’Infini intérieur, a fondé une nouvelle ère de l’art[2]. »

feinhörig » (d’une finesse et d’une délicatesse d’ouïe insurpassable). Et il ajoute qu’en 1814, encore, Beethoven ressentait douloureusement la moindre fausse note ; « Auch jetzl noch allen Uebellaut schmerzlich empfindet. »

Sur les causes probables et les débuts de la surdité, voir la Note I, à la fin du volume.

1. On verra, dans le chapitre sur les Sonates, la passion qui accueille chaque œuvre nouvelle, et les jeunes musiciens qui se cachent pour acheter et déchiffrer la Sonate Pathétique, sur laquelle les vieux professeurs ont jeté l’interdit.

2. « Der Tonhcros, dessen Genius durch die Entfesselung der inneren Unendlichkeit eine neue Kunslaera geschaffen hat… »

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