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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

que lui réservent les entrailles du mont, les ressources, les obstacles, qu’il va y rencontrer. Et de ces obstacles mêmes sa géniale énergie fera un élément de force et de solidité.

Les esquisses sans nombre de cette seconde partie montrent avec quelle ténacité et quel art souverain de critique sur soi-môme il établit, une à une, en peinant, les assises de son énorme construction. Il y porte un sens merveilleux des rythmes et des nombres, des oppositions de masses et de couleurs, des préparations d’effets, des mises en lumière de l’accent principal, du dégagement des grandes lignes dans leur noblesse et leur intensité… Ainsi, le drame de cette marche aux enjambées tétaniques, qui monte crescendo, et (dirait-on) qui va couvrir le monde, mais s’écroule foudroyée, faisant place au soudain crépuscule, où, comme sous la poussière, souffle le géant brisé. Et, de cette poussière, dans un bourdonnement de silence, aux limites de la mort, se détache en pleine valeur l’appel inattendu de la phrase héroïque, qui ramène l’action et bientôt la victoire…[1]

Deux hommes se sont appliqués à retrouver les lois cachées de cette colossale architecture : Hugo Leichtentritt, dans sa Musikalischen Formenlehre[2], et Alfred Lorenz, dans une pénétrante analyse[3]. Tous deux ont été saisis de surprise en découvrant les relations des nombres qui

1. De la mesure 340 à la mesure 400, environ.

2. Leipzig, 1911.

3. Worauj beruhl die bekannte Wirkung der Durchjührung im I. Eroicasatze. Eine Untersuchung. (Neues Beethoven Jahrbuch ; hetausg. v. Adol ! Sandberger, 1924.)

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