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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/254

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BEETHOVEN

soit qu’il attribue ce droit à l’archiduc, dans tous les cas, un fait est sûr : c’est que la pensée de Beethoven est, en ce moment même, occupée de la composition de ce passage du Credo[1]. Et le Cahier de conversations, que nous avons cité, nous le confirme, en nous montrant, à la date de décembre de la même année, l’esquisse, écrite de la main de Beethoven, du : « Et vitam venturi saeculi », qui ouvrira la fugue du Credo.

C’est donc Schindler qui a raison, contre Nottebohm, quand il affirme qu’à la fin d’août 1819, venant en visite, vers 4 heures du sojr, à Mödling, il entendit Beethoven, enfermé dans sa chambre depuis minuit, chanler, hurler, trépigner (heulen, stampfen) la fugue du Credo, et qu’un instant après, la porte s’ouvrit et que Beethoven apparut, hagard, les traits bouleversés, épuisé, « comme s’il avait livré un combat à mort contre toute une armée de contrepointistes » : — il n’avait rien mangé, depuis midi du jour précédent…

Schindler ajoute qu’en 1819, pendant la composition de la Messe, Beethoven fut « le géant furieux, donnant l’assaut au ciel » (der tobende, himmelanstürmende Gigant). Et cette image doit être devant nos yeux, quand nous entendons le Gloria et le Credo de cette bataille épique, où des Titans de Michel-Ange soulèvent des montagnes.

Thayer et les autres historiens à sa suite ne donnent pas une idée exacte de la surabondance d’énergie qui possédait Beethoven, en cette année magnifique. Ils se laissent trom-

  1. « Et iterum venturus est cum gloria judicare vivos et mortuos. »