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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

mouvement. Les notations écrites rendent mieux compte de cet état de perpétuelle transformation : car, si l’on peut enregistrer successivement les phases, comment les synthétiser en un tableau ? Schindler, comme Wilhelm Christian Müller[1], tous sont d’accord pour reconnaître l’extraordinaire mobilité de ce visage, et de la vie intérieure qui y affleure :

— « Il est doté, dit W. C. Müller, d’une bouche charmante et de beaux yeux parlants, où se reflètent à tout moment ses impressions et ses pensées qui se succèdent rapidement, — gracieuses, aimablement sauvages, grondantes de colère, effrayantes[2] ».

Et Schindler, presque dans les mêmes termes, à l’occasion du portrait de Schimon, parle de cet « extraordinaire jeu du regard » [3], et de « la gamme de Stimmungen et d’expressions qui s’y déroulaient, depuis la sauvagerie et l’arrogance, jusqu’à la plus aimable douceur[4] ».

Ce bouillonnement perpétuel d’un torrent de vie, aux sautes d’émotion brusques et continuelles, est le spectacle le plus frappant, pour ceux qui voient Beethoven, à cette

  1. Dans une lettre du 26 octobre 1820 à Goehler (cf. A. Leitzmann t. II, p. 223 et suiv.).
  2. « … Er ist mit einem zierlichen Munde und mit schönen, sprechenden Augen begabt, worin sich in jedem Momente seine schnell wechselnden Gedanhen und Empfindungen abspiegeln — graziös, liebevoll wild, zorndrohend, schrechlich… »
  3. « … Das Augenspiel in diesem Kopfe war von wunderbarer Art… »
  4. « … und offenbarte eine Scala vom wilden, trotzigen, bis zum sanften, iebevollsten Ausdrucke, gleich der Scala seiner Gemüthstimmungen. »