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LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

côté de sa nature qui contredisait la statue de soi qu’il s’efforçait d’ériger, ce « caractère moral », qu’il s’attribuait et qu’on lui attribuait, — un peu à tort, et en tout cas avec excès.

Heureusement, la plume à la main, il n’était pas capable de discerner intellectuellement dans les poussées du sentiment qu’il enregistrait en musique. Il en dit plus qu’il ne s’en doute. Tout, à ses yeux, se réduisait à une dualité de nature : — le masculin et le féminin, — le « widerstrebende » et le « bittende », — ce dialogue dramatique, qui anime la plupart de ses œuvres et qui répond à un antagonisme intérieur. Et il est bien vrai que cet antagonisme de la raison volontaire et de la nature en révolte et domptée, est une des lois de l’art et de l’être de Beethoven. On ne peut pas n’en pas tenir compte. Car c’est par là qu’il fut le héros représentatif de tout un âge de l’humanité. Et si cet âge, comme tous les âges, a passé, il en survit, comme de tous les âges, éternellement, des types qui sont de toutes les races, de toutes les classes, et qui se retrouvent éternellement en lui. Ils formeront toujours une famille internationale.

Cette dualité antagonique se manifeste, chez Beethoven, sous des formes plus ou moins âpres ou voilées, — soit comme un combat sans pitié, — soit comme un colloque apaisé.

Est-il permis de la discerner ici, dès les premiers pas de la Sonate, dans l’opposition entre la plénitude, qui s’affirme, d’une force impétueuse, assurée de la victoire[1]

  1. Même dans ce premier élément, dès le début, on peut distinguer