Aller au contenu

Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LE CHANT DE LA RÉSURRECTION

qui répond au bouillonnement de la sève vitale, rentrant tumultueusement dans les veines de Beethoven, en ces mois de résurrection. On le voit, courant à travers champs et collines, dans les journées d’été, à Mödling. Il clame sa force retrouvée à la nature et à son Dieu. Dans cet hymne de renaissance, toutes les émotions sont tressées : élans de prière, souvenirs, regrets, tendresse, transports d’amour torrents d’orgueil et de joie. On remarquera la quantité des alternances dynamiques et des mouvements, les fougueux élans, ralentis et coupés par de fréquents ritardanti et des points d’orgue, les cantabile qui succèdent aux rudes accents de marches, aux bonds impétueux, le labeur tenace et joyeux de ce fugato, qui monte à l’assaut, qui conquiert — et qui construit, les entrelacements de rondes heureuses, parmi les affirmations triomphales et saccadées, l’enivrement de ces trilles délicieux, où le cœur se berce et s’endort, entre deux réveils de vigueur torrentielle[1], la superbe allégresse de cette reprise de possession du moi qui est un monde, — cette plénitude d’être…

Mais quel prologue à une Sonate ! Beethoven sait-il bien où cela le mène ? A-t-il calculé d’avance de telles dimensions ? — Sûrement non ! Il ne se doute pas — il ne se doutera pas encore, dans le Scherzo qui suivra, — (nous l’avons vu, par la lettre citée de janvier 1819) — de la grande Sonate, à laquelle ces premiers morceaux,

  1. Maints passages rappellent les effusions de la sonate des Adieux, et — plus lointainement — les riantes rondes du dernier morceau de l’Aurore. Mais tout a pris un aspect plus monumental.