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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/284

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BEETHOVEN

qu’il réalise et dont il jouit isolément, au jour le jour, vont l’obliger. Il est livré au fleuve de vie créatrice, qui le submerge, en ces mois ; et le mouvement naturel de sa pensée le pousse alors à ces gigantesques proportions : il ne lui faut pas moins, pour se rassasier. Mais il se trouvera pris, comme pour la Missa Solemnis, où, dès le Kyrie monumental, tout l’avenir de l’œuvre est engagé. Il faudra bien qu’il équilibre cette puissante masse du commencement — et l’Adagio ne sera pas moins démesuré — avec un finale qui réponde aux exigences de construction…

En ce moment, je le répète, il n’en a aucune idée. Chaque morceau est fait pour soi. Beethoven pense que cette grande joie et cette puissance impériale doivent servir à la fête de son blafard archiduc…

Ne nous inquiétons pas ! Il ne risque pas de s’égarer. Il est conduit par des lois plus sûres que celles d’un plan prémédité, — celles de ces formes mêmes qu’il édifie et qui lui commandent, au fur et à mesure, celles des nouveaux morceaux qui vont venir — qui doivent venir. Et comme ces formes correspondent toujours au mouvement secret de son subconscient, l’ensemble nous offrira une image de Beethoven, beaucoup plus vraie, beaucoup plus spontanée et plus totale, que celle qui serait le reflet de l’intellect conscient et raisonnant.

Quelle surabondance de forces le remplit, à l’heure où il termine le premier morceau de la sonate, — quel trop plein d’idées fermente en lui, — on en jugera par ce fait, exactement établi, qu’à peine le morceau terminé, Beethoven entame le travail du premier morceau de la Neuvième