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Page:Rolland - Beethoven, 3.djvu/294

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BEETHOVEN

la juste expression de Cortot. (Il y a beaucoup de rafales, dans cette sonate…).

Un soudain tremolo en si bémol mineur ramène, par réaction, le da capo en si bémol majeur. Mais la course du morceau n’a plus l’allure assurée du début. Elle hésite, coupée par de brusques si naturels. Elle y riposte, par l’affirmation énergique d’accords en si bémol majeur. Mais le trouble persiste et cherche à égarer la pensée, en si mineur, avec des ritard. et des pp. qui s’attardent. — Un retour violent de volonté crispée empoigne, répète, secoue colériquement les accords d’octaves en si naturel (presto crescendo, ff.), jusqu’à les ramener de force au si bémol. On remarquera que ce premier accord de double octave en si bémol, qui se réintègre dans le récit, n’est plus une noire, comme lesaccords précédents, mais une croche ; et une seconde fois, il est répété, en croche. C’est comme si, après le court accès de frénésie des quatre mesures d’avant, quand on a enfin retrouvé le tou, il se produisait un brusque arrêt de respiration. Puis, on le redit, pour bien s’assurer : — « Oui, c’est bien cela… » Et on se réengage dans le mouvement initial, mais toute la force est dépensée : quatre seules mesures, p. pp… Et le mouvement s’évanouit.

Tout ce morceau a un caractère extrêmement fugace et passager. Il forme une ombre de diversion — ombre et soleil entremêlés — entre deux morceaux terriblement sérieux (même dans la joie du premier). C’est un essai pour s’évader. Mais ces touches hâtives du pinceau ont à peine marqué sur la toile. À peine les yeux ont-ils eu le temps de se distraire.