Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/285

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Le lendemain, la tête tomba.


Marc, en ces jours, déversait plus que jamais toutes ses pensées dans ses lettres à sa mère. Pour les âmes qui se sont proches, l’absence est le plus grand bienfait : elle les libère de la pudeur ; elle brise entre elles toutes barrières.

C’était une étrange correspondance. On n’eût point dit d’un fils et d’une mère. Ils se sentaient tous deux en marge de la société. Ils n’étaient pas seulement affranchis, au fond du cœur, de ses préjugés, de sa morale conventionnelle et de ses lois : — (des milliers d’hommes et de femmes, aujourd’hui, en sont là !) — ils s’étaient construit, d’un sûr instinct, leurs lois à eux. leur pacte moral d’alliance et d’union : — le pacte secret, inscrit par la nature, de la mère et de son petit, dans la jungle. À mesure que le petit avait grandi, les relations avaient changé de caractère, la mère avait insensiblement fait place à l’aînée, — plus proche : car ils sont maintenant sur la même rive, et le cours d’eau ne coule plus entre eux : ils s’y abreuvent, côte à côte ; chacun apporte à l’autre sa chasse — ses expériences de la jungle : ils les partagent, neuves ou anciennes ; et ce ne sont pas les plus anciennes qui semblent au jeune les moins neuves ; ni les plus neuves qui sont pour l’aînée les moins substantielles.