Page:Rolland - Pierre et Luce.djvu/14

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le front moite de sueur et, par moments, glacé par une bouffée du dehors quand la portière s’ouvrait, il tâchait de ne pas voir, il tâchait de ne pas respirer, il tâchait de ne pas penser, il tâchait de ne pas vivre. Le cœur de ce jeune garçon de dix-huit ans, presque un enfant encore, était plein d’un obscur désespoir. Au-dessus de lui, au-dessus des ténèbres de ces voûtes, de ce trou de rat où filait le monstre métallique, grouillant de larves humaines, — était Paris, la neige, la nuit froide de janvier, le cauchemar de la vie et de la mort, — la guerre.

La guerre. Il y avait quatre ans qu’elle s’était installée. Elle avait pesé sur son adolescence. Elle l’avait surpris dans cette crise morale, où l’éphèbe, inquiet de l’éveil de ses sens, découvre avec saisissement les