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Page:Rollinat - L’Abîme, 1886.djvu/108

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Ogresse de vertu que l’innocence attire,
Mystique par les os, les fibres et les nerfs,
Rêvant la volupté dans ses songes pervers,
Comme autrefois les Saints ont rêvé le martyre !

Allongeant ses bras nus sans pouvoir rien saisir,
Mangeant sans appétit et buvant sans ivresse,
Elle voudrait toujours inventer la caresse
Et métamorphoser le frisson du plaisir.

Elle nous asservit, nous courbe et nous recourbe,
À part la conscience, elle prend l’homme entier,
Et c’est elle qui fait de l’honneur un métier,
Du cœur un histrion et du langage un fourbe.

Hélas ! pour nous donner le délice animal,
Tout notre esprit chétif arque son impuissance
Comme si dans ce rien qu’on nomme jouissance
Il visait l’inconnu de la Mort et du Mal !