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Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 2.djvu/192

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Pour si tost le reprendre : et toy mere Nature,
Pour mettre si soudain ton œuvre en sepulture.
Maintenant à mon dam je cognois pour certain,
Que tout cela qui vit sous ce globe mondain,
N’est que songe et fumée, et qu’une vaine pompe,
Qui doucement nous rit, et doucement nous trompe.
Ha, bien-heureux esprit fait citoyen des cieux,
Tu es assis au rang des Anges precieux
En repos eternel, loing de soin et de guerres :
Tu vois dessous tes pieds les hommes et les terres,
Et je ne voy qu’ennuis, que soucis, et qu’esmoy,
Comme ayant emporté tout mon bien avec toy.
Je ne te trompe point : du ciel tu vois mes peines,
Si tu as soin là hault des affaires humaines.
Que doy-je faire, Amour ? que me conseilles-tu ?
J’irois comme un Sauvage en noir habit vestu
Volontiers par les bois, et mes douleurs non feintes
Je dirois aux rochers : mais ils sçavent mes plaintes.
Il vaut mieux d’un grand temple honorer son tombeau,
- Et dedans eslever d’artifice nouveau
Cent autels dediez à la memoire d’elle,
Esclairez jour et nuict d’une lampe eternelle,
Et devant le portail, comme les anciens
Celebroient les combats aux jeux Olympiens,
Sacrer en son honneur au retour de l’année
Une feste choumable à la j ouste ordonnée.
Là tous les jouvenceaux au combat mieux appris
Le funeste Cyprez emporteront pour pris,
Et seront appellez long temps apres ma vie,
Les jeux que feist Ronsard pour sa belle Marie.
Puis quand l’une des Sœurs aura le fil coupé,
Qui retient en mon corps l’esprit envelopé,