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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/138

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présence des hommes. Il donna trois rudes coups d’épieu au plus chaud du bûcher : les flammes sautèrent, mêlées d’écarlate et de soufre ; des silhouettes, au loin, se tapirent.

Naoh éveilla le troisième compagnon.

— Les hommes sont venus ! murmura-t-il.

Côte à côte, longtemps, ils cherchèrent à surprendre l’ombre. Rien ne reparut. Aucun bruit étranger ne troublait le clapotement de la pluie ; aucune odeur évocatrice ne se décelait dans les sautes du vent. Où donc était le péril ? Était-ce une horde ou quelques hommes qui hantaient la solitude ? Quelle route suivre pour fuir ou pour combattre ?

— Gardez le Feu ! dit enfin le chef.

Ses compagnons virent son corps décroître, devenir pareil à une vapeur, puis l’inconnu l’absorba. Après un détour, il s’orienta vers les buissons où il avait vu se tapir les hommes. Le Feu le guidait. Quoiqu’il fût lui-même invisible, il pouvait distinguer une rougeur de crépuscule. Il s’arrêtait continuellement, la massue et la hache aux poings ; parfois il mettait sa tête contre la terre ; et il avait soin de s’avancer par des circuits et non en ligne droite. Grâce à la terre molle et à sa prudence, la plus fine oreille de loup n’aurait pu entendre son pas. Il s’arrêta avant d’avoir atteint les buissons. Du temps passa ; il n’entendait et ne percevait que la chute des gouttelettes, le friselis des végétaux, quelque fuite de bête.

Alors, il prit une route oblique, dépassa les buissons et revint sur ses pas : aucune trace ne se révélait.

Il ne s’en étonne point, tout son instinct le lui ayant annoncé, et il s’éloigne dans la direction d’un tertre qu’il a remarqué au crépuscule. Il l’atteint après quelques tâtonnements et le gravit : là-bas, dans un repli, une lueur