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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/139

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monte à travers la buée ; Naoh reconnaît un feu d’Hommes. La distance est si grande et l’atmosphère si opaque qu’il discerne à peine quelques silhouettes déformées. Mais il n’a aucun doute sur leur nature : le frisson qui l’a secoué au bord du lac le ressaisit. Et le danger, cette fois, est pire, car les étrangers ont reconnu la présence des Oulhamr avant d’être découverts eux-mêmes.

Naoh retourna vers ses compagnons, très lentement d’abord, plus vite lorsque le Feu fut visible.

— Les hommes sont là ! murmura-t-il.

Il tendait la main vers l’Est, sûr de son orientation.

— Il faut ranimer le feu dans les cages, ajouta-t-il après une pause.

Il confia cette opération à Nam et à Gaw, tandis que lui-même jetait des branchages autour du bûcher, de façon à faire une sorte de barrière ; ceux qui approcheraient pourraient bien discerner la lueur des flammes, mais non s’il y avait des veilleurs. Quand les cages furent prêtes et les provisions réparties, Naoh ordonna le départ.

La pluie devenait plus fine ; il n’y avait plus un souffle. Si les ennemis ne barraient pas la route, ou n’éventaient pas immédiatement la fuite, ils cerneraient le feu qui brûlait dans la solitude et, le croyant défendu, n’attaqueraient qu’après avoir multiplié les ruses. Ainsi Naoh pourrait prendre une avance considérable.

Vers l’aube, la pluie cessa. Une lueur chagrine monta des abîmes, l’aurore rampa misérablement derrière les nuées. Depuis quelque temps, les Oulhamr montaient une pente douce ; quand ils furent au plus haut, ils ne virent d’abord que la savane, la brousse et les forêts, couleur d’ardoise ou d’ocre, avec des îles bleues et des échancrures rousses.

— Les hommes ont perdu notre trace, murmura Nam.