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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/79

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Il régnait un silence qui semblait se répandre des eaux jusqu’au croissant argentin ; la brise devint si faible qu’elle tirait à peine, par intervalles, un soupir des végétaux.

Las d’immobilité, impatient de préciser sa vision, Naoh sortit de l’ombre du peuplier et rôda le long du rivage. Selon les dispositions du terrain et des végétaux, le site s’ouvrait largement ou se rétrécissait, les frontières orientales du lac apparaissaient plus précises ; des traces nombreuses décelaient le passage des troupeaux et des fauves.

Soudain, avec un grand frisson, le nomade s’arrêta ; ses yeux et ses narines se dilatèrent, son cœur battit d’anxiété et d’un ravissement étrange ; les souvenirs se levèrent si énergiquement qu’il croyait revoir le camp des Oulhamr, le foyer fumant et la figure flexible de Gammla. C’est que, au sein de l’herbe verte, un vide se creusait, avec des braises et des rameaux à demi consumés : le vent n’avait pas encore dispersé la poudre blanchâtre des cendres.

Naoh imagina la quiétude d’une halte, l’arôme des viandes rôties, la chaleur tendre et les bonds roux de la flamme ; mais simultanément, il voyait l’ennemi.

Plein de crainte et de prudence, il s’agenouilla pour mieux considérer la trace des rôdeurs formidables. Bientôt, il sut qu’il y avait au moins trois fois autant de guerriers que de doigts à ses deux mains, et ni femmes, ni vieillards, ni enfants. C’était une de ces expéditions de chasse et de découverte que les hordes envoyaient parfois à de grandes distances. L’état des os et des filandres concordait avec les indications fournies par l’herbe.

Il importait à Naoh de savoir d’où les chasseurs venaient et par où ils avaient passé. Il craignit qu’ils