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Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/80

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n’appartinssent à la race des Dévoreurs d’Hommes qui, depuis la jeunesse de Goûn, occupaient les territoires méridionaux, des deux côtés du Grand Fleuve. Dans cette race, la stature dépassait celle des Oulhamr et celles de toutes les races entrevues par les chefs et les vieillards. Ils étaient seuls à se nourrir de la chair de leurs semblables, sans pourtant la préférer à celle des élaphes, des sangliers, des daims, des chevreuils, des chevaux ou des hémiones. Leur nombre ne semblait pas considérable : on n’en connaissait que trois hordes, alors que Ouag, fils du Lynx, le plus grand rôdeur né parmi les Oulhamr, avait partout rencontré des hordes qui ne mangeaient pas la chair de l’homme.

Tandis que les souvenirs parcouraient Naoh, il ne cessait de poursuivre les traces empreintes sur le sol et parmi les végétaux. La tâche était facile, car les errants, confiants dans leur nombre, dédaignaient de dissimuler leur marche. Ils avaient côtoyé le lac vers l’Orient et cherchaient probablement à rejoindre les rives du Grand Fleuve.

Deux projets se présentèrent au nomade : atteindre l’expédition avant qu’elle n’eût rejoint ses terres de chasse et lui dérober le Feu par la ruse ; ou bien, la devancer, parvenir avant elle près de la horde, privée de ses meilleurs guerriers, et guetter l’heure favorable.

Afin de ne pas prendre une mauvaise route, il fallait d’abord suivre la piste. Et l’imagination sauvage, à travers les eaux, les collines et les steppes, ne cessait de voir les rôdeurs qui emportaient avec eux la force souveraine des hommes. Le rêve de Naoh avait la précision des réalités ; il était plein d’actes, plein d’énergies, plein de gestes efficaces. Longtemps le veilleur s’y abandonna, tandis que la brise mollissait, s’affaissait, s’évanouissait de feuille en feuille, de brin d’herbe en brin d’herbe.