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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/101

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MIRABEAU.

que Mirabeau. Son vaste personnage emplit d’ailleurs toute la scène. Il écrit, il plaide, il se défend, il accuse ; et, oubliant peu à peu toute mesure, il perd par son éloquence maladroite une cause qu’un avocat médiocre aurait gagnée.

Son ironie mordante n’épargne personne. Il raille durement M. de Marignane, « ce père trop hospitalier dont le logis, plus voluptueux que la maison de Lucullus, offre un accès commode à l’amant de sa fille ». L’avocat de sa femme est un « marchand de mensonges » ; et, quant à ses juges, s’il parle de leur impartialité, c’est pour faire entendre, sans trop de détours, qu’il sait d’avance par qui « sera dicté leur arrêt ».

Après quelques allusions assez claires à l’infidélité de sa femme, il ne comprend pas que le mari, que l’homme doit s’arrêter là. Il cède au plaisir oratoire d’achever son triomphe ; et montrant la lettre dans laquelle Mme de Mirabeau avait écrit l’aveu de sa faute, il la lit tout entière, — sans demander d’ailleurs la séparation —, ajoutant ainsi une injure inutile à tous les griefs accumulés contre lui.

C’était une faute irréparable, que, dans une autre audience, il essaya vainement d’atténuer. Empêtré dans les ratures de son manuscrit, il n’eut ni l’adresse de parler sans rien dire, ni le courage de se taire. Ce qui restait de sa harangue suffit pour couper court à des accords auxquels les magistrats prêtaient de bonne grâce leur appui. Quelques gaucheries de surcroît assurèrent sa défaite, et, le