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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/102

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MIRABEAU.

5 juillet 1783, le Parlement lui fit perdre son procès.

J’ai parlé du manuscrit de Mirabeau ; nul doute, en effet, que, suivant l’usage du temps, son plaidoyer ne fût entièrement écrit d’avance. Il est trop aisé de reconnaître les artifices laborieux qui prêtaient à cette déclamation superbe les couleurs et le mouvement de la vie. Ce qu’on a peine à concevoir aujourd’hui, c’est comment, leur cahier à la main, lisant et récitant tour à tour, les avocats et les orateurs de ce temps-là pouvaient ajuster ainsi, sans qu’il en coûtât rien à leur succès, les morceaux dépareillés de leur éloquence.

Non seulement Mirabeau avait écrit son discours, mais d’autres y avaient mis la main avec lui ; notamment l’avocat Jaubert, précurseur des Étienne Dumont, des Clavière, des Target, des Pellenc, des Reybaz, de tous ces collaborateurs bien choisis dont le grand orateur devait, plus tard, emprunter si largement le talent et le savoir. « Il avait, dit Villemain, des ouvriers qui travaillaient à son éloquence. » Les vivants et les morts, tout lui est bon, tout lui sert. Bossuet lui-même n’est pas à l’abri de ses larcins ; et, dans cette scandaleuse dispute de ménage, on est tout étourdi de rencontrer, avec une variante qui ne fait que rendre le plagiat plus grossier, un fragment classique de l’oraison funèbre de Mlle de la Vallière.

Ce qui reste de ce débat, c’est le souvenir d’un plaidoyer magnifique qui, malgré de lourdes fautes, égale, à mon sens, les plus beaux modèles.