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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/108

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MIRABEAU.

médire », a dit Montaigne en parlant de la grandeur.

Peu à peu cependant, écu par écu, la vieille épargne française, casanière et défiante, entr’ouvrait ses cassettes à grosses serrures et ses tiroirs à secret. Tout conspirait contre sa prudence.

Tandis que l’État, à moitié ruiné par les gaspillages et les défaites du dernier règne, épuisé par les armements généreux de la guerre d’Amérique, multipliait les emprunts pour remplir au jour le jour ses caisses vides, des spéculateurs habiles tentaient le public par des annonces pleines de promesses, et par l’appât bruyant de leurs combinaisons infaillibles.

Dans ces temps d’innocence financière, on comptait jusqu’à trois banques par actions ! C’était plus qu’il n’en fallait pour faire sortir des coffres-forts des bourgeois de Paris les vieux louis d’or échappés, un demi-siècle auparavant, aux écueils du Mississipi. Mieux valait encore prêter son argent au Roi contre une rente que de le laisser prendre à fonds perdus par l’impôt. Mieux valaient les bons de la Caisse d’escompte, de la Société des Eaux, voire les actions de la Banque de Saint-Charles et de la Compagnie des Philippines, cautionnées par le patronage tranchant de M. de Calonne, que l’encaisse stérile et les lentes économies dont s’était contentée la sagesse étroite des gens d’autrefois.

C’étaient là du moins les amorces à l’aide desquelles des financiers et des publicistes sans scrupules atti-