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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/109

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MIRABEAU.

raient l’argent du puplic. Mais bientôt après, comme aux plus beaux jours du système, un agiotage effréné enflait et dégonflait tour à tour les titres surmenés de ces aventureuses entreprises. Les actionnaires ruinés criaient vengeance ; et, comme toujours, la misère furieuse des petites gens s’en prenait au gouvernement des déceptions contre lesquelles il n’avait pas su les défendre.

Mirabeau, comme presque tous les prodigues, avait pour la fortune publique une irrésistible sollicitude. Il se précipita dans la mêlée. Il y apporta, avec la furie de son tempérament indomptable, le cynisme ingénu et l’intrépide admiration de soi-même qui était un des signes particuliers de sa race. « Quand on sait bien ses quatre règles, écrivait-il à Chamfort, qu’on peut conjuguer le verbe avoir, et qu’on est laborieux, on est un aigle en finances. »

Coup sur coup, en cinq mois, il publia cinq ouvrages dans lesquels, avec une vigueur sans égale, il combattait la hausse effrontée des actions et les agioteurs qui menaient cette campagne. « Je faisais fléchir à mon gré le balancier de la Bourse, écrit-il à son père ; j’ai déjoué l’agiotage sous toutes les formes, et j’ai fait rebrousser les Philippines. »

Est-ce de son chef, en enfant perdu de la morale publique, qu’il s’était jeté dans la bataille ? non pas. C’est M. de Calonne « qui l’a lancé ». Mirabeau le dit lui-même dans vingt endroits. Il écrivait sur des notes secrètes que lui faisait passer le ministre.