Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
MIRABEAU.

D’ailleurs, depuis les temps héroïques des Bourdaloue, des Massillon et des Bossuet, la chaire chrétienne avait perdu son éclat. Elle entendait plus d’homélies que de discours ; elle comptait plus d’abbés que d’orateurs ; et l’abbé Poulle lui-même ne valait ni Mascaron ni Fléchier.

Au barreau, de graves avocats, hommes de bien et hommes de goût, secouaient lentement, pour plaider les droits de la conscience et de la liberté, le fatras d’érudition ridicule, de citations extravagantes et de pompeux lieux communs dont la vieille rhétorique du Palais chargeait les plaidoyers d’autrefois. Fils de la bourgeoisie, pénétrés des idées et des passions de leur temps, ils se trouvaient sans cesse mêlés aux philosophes, aux publicistes, aux hommes de lettres ; et les occasions les plus diverses les amenaient peu à peu aux polémiques bruyantes de la presse ou aux aventures dangereuses de la politique. C’était Gerbier défendant contre quelque abbaye puissante la cause dune religieuse révoltée ; c’était Bergasse provoquant par ses honnêtes hardiesses la rancune mortelle de Beaumarchais ; ou bien Élie de Beaumont partageant, sans avoir trop à souffrir de ce voisinage, la défense posthume des clients de Voltaire.

Dans ces luttes rapides, dans ces mêlées corps à corps et dans ces confraternités profitables, les avocats apprenaient à penser vite, à dire juste, et arrivaient souvent à parler, mieux que personne, la langue de tout le monde. Voltaire lui-même, dans