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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/130

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MIRABEAU.

plus dune rencontre, a porté, sans s’en vanter, la marque de leurs coups. Mais leurs plus beaux discours ne dépassaient guère les murs du Palais et la lanterne de la Grand’Chambre. Ils ne rencontraient, ils ne rencontreront jamais que par occasion, par échappées et comme en des digressions généreuses, les intérêts publics ou les hautes pensées qui sont le fond éternel de l’éloquence. Si touchante qu’elle soit, une aventure domestique ne laisse pas dans la mémoire des hommes un long souvenir ; et ce n’est que dans les chœurs de Sophocle ou d’Eschyle que la tragédie d’un seul homme émeut un peuple tout entier.

Cette fois, le drame qu’on attendait, c’était le drame de tout un peuple, où chaque citoyen avait son intérêt, son rôle et sa place. Ce n’était pas la première fois, sans doute, que la nation était ainsi convoquée ; et la tradition monarchique, remontant le cours du temps, rattachait habilement les États généraux de demain aux États généraux d’autrefois. Mais, en dépit du cérémonial, des manteaux de cour, des hérauts d’armes et des fleurs de lis, il était trop clair qu’entre 1614 et 1789, tout était changé. De ces époques lointaines, il était bien resté, dans la mémoire des érudits et des lettrés, quelques fragments d’éloquence politique ; mais aucun qui fut devenu populaire ; et le plus célèbre de tous est un discours de pure invention, un chapitre d’un beau livre : « la harangue de Daubray dans la Satire Ménippée. »

D’ailleurs, en 1789, il ne s’agissait plus de quel-