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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/153

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MIRABEAU.

l’autre, cherchent dans un effort commun leur aplomb et leur équilibre. Entre la cour et l’Assemblée, il ne doutait pas qu’il ne dût, un jour, dicter un accord dont il serait le négociateur et l’arbitre ; créer un pouvoir dont il serait le dictateur populaire et le maître. Pour amener à son point ces volontés rétives, il appuyait plus lourdement, suivant l’occasion, sur celle qui semblait plus près d’échapper à son effort. Pour régler ces forces rebelles, il pesait tour à tour sur les deux bouts du levier.

Rien n’égalait d’ailleurs son dédain pour des résistances inutiles dont il se croyait toujours sur le point de triompher ; et c’est à peine si quelques saillies arrogantes trahissaient chez lui l’ennui des obstacles et l’impatience du succès. « Qu’attendent-ils donc pour me prendre ? » disait-il en parlant des ministres ; — et en parlant de l’Assemblée : « Les imbéciles, je les méprise trop pour les haïr ; mais je les sauverai malgré eux ! »

Dire d’un homme de cette trempe : « C’est un ambitieux », quel enfantillage ! Le lui reprocher, quelle niaiserie ! Il était ambitieux et il devait l’être. Et plût à Dieu que la France n’ait jamais connu que des ambitieux de cette grande espèce, de cette envergure et de cette volée ! Pour ceux-là, du moins, le besoin de commander est l’emploi naturel de leur génie. S’ils prennent le pouvoir, ils sont de taille à en répondre ; ils sont de force à le porter ; et si, par malheur, un pays lassé d’être libre remet dans leurs