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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/152

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MIRABEAU.

dans les districts ; aux communes d’envoyer des députations à l’Assemblée, il combat avec violence des motions injurieuses pour l’indépendance des citoyens et la souveraineté du peuple. Mais parle-t-on de faire recevoir par les municipalités le serment des troupes, le voilà qui défend avec ardeur le pouvoir exécutif contre les empiétements populaires et « la tyrannique autorité des communes ».

Un jour, il fera voter la loi martiale contre les émeutes ; mais, le lendemain, des émeutiers ayant arrêté Bezenval, et l’Assemblée l’ayant fait relâcher, il reprochera de très haut à l’Assemblée cet abus de pouvoir et la fera revenir sur son vote.

Après quoi, lorsqu’un de ses collègues, se risquant à le railler, félicite un jour « le comte de Mirabeau de la supériorité avec laquelle il sait guider l’Assemblée vers des buts contraires », l’impatient orateur relève vertement cette boutade inoffensive comme « une injure vide de sens, un trait lancé de bas en haut, que trente volumes repoussent assez, pour qu’il le dédaigne. Nul écrivain, ajoute-t-il avec solennité, nul homme public n’a plus que moi le droit de s’honorer d’une fière indépendance, d’une uniformité de principes inflexible. »

Peut-être disait-il vrai ; je crois, au moins, qu’il était sincère. Il poursuivait le même but par des routes différentes. Il voulait la même chose par des moyens contraires. Quand on l’observe de près, on croit voir, par instants, deux hommes de même force et de même taille qui, se faisant contrepoids l’un à