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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/160

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MIRABEAU.

brèche, prodiguant les conseils de sa haute raison, de son intrépide sagesse ; poussant et retenant tour à tour cette assemblée incertaine, téméraire et timide, pleine d’ardeur et d’inexpérience.

Au milieu de ces hommes nouveaux, de ces législateurs novices, il semble le vétéran d’une autre génération qui aurait vieilli dans les longs desseins de la politique, dans l’habitude tranquille et les traditions héréditaires de la liberté.

Quand des théoriciens impatients veulent faire voter d’urgence, avant même de discuter la Constitution, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Mirabeau modère leur ardeur. « L’homme d’État ne va pas si vite que le philosophe. Il ne livre des armes au peuple qu’en lui apprenant à s’en servir…. Une déclaration nue des droits de l’homme, applicable à tous les âges, à tous les peuples, à toutes les latitudes morales et géographiques du globe était sans doute une grande et belle idée ; mais il semble qu’avant de penser si généreusement au code des autres nations, il eût été bon que les bases du nôtre fussent, sinon posées, du moins convenues…. À chaque pas que vous ferez dans les droits de l’homme, vous serez frappés de l’abus que le citoyen en peut faire ! «

Quelques jours après, rapporteur d’un comité que, malgré lui, l’Assemblée avait nommé pour rédiger des projets de déclaration, Mirabeau insistait encore sur ces sages conseils ; et, présentant, comme à regret, à la tribune, l’œuvre ingrate qu’on lui avait