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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/173

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MIRABEAU.

à tous les rôles ; comme le geste, comme l’attitude du corps et l’air du visage. Voilà pour le dehors et l’expression matérielle du discours. Sermo corporis, disaient les anciens ; le langage du corps qui n’est pas toute l’éloquence, mais sans lequel il n’y a pas d’éloquence. On n’est pas tant orateur par ce qu’on dit, mais par ce qu’on est. Voyons le reste.

Pendant longtemps, quand on avait prononcé le nom de Mirabeau, on croyait avoir dit : l’improvisateur,… l’homme qui parle sans préparation, sans étude, sans effort, presque malgré lui ; « un instant avant d’avoir pensé », suivant le mot de La Bruyère. Cette erreur n’est plus permise aujourd’hui. Comme tous les orateurs de son temps, et si étrange que cela nous puisse paraître, Mirabeau prononçait des discours écrits, écrits par lui, ou par d’autres. Ceux qui l’ont entendu nous l’affirment, et ses manuscrits, qui existent encore, rendent leurs témoignages inutiles. Il lisait, à la tribune, des traités véritables qu’il avait préparés lui-même, ou dont ses secrétaires lui avaient fourni le fond et souvent dégrossi la forme ; de cette collaboration profitable, il ne faisait aucun mystère,… ses collaborateurs bien moins encore.

Mais aux dissertations politiques de Pellenc, aux études économiques de Du Roveray, à l’éloquence genevoise d’Étienne Dumont et de Reybaz, il ajoutait, quand le sujet en valait la peine, ce que, tous ensemble, ils ne pouvaient pas lui donner. Cet emprunteur magnifique leur rendait en une minute,