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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/174

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MIRABEAU.

au centuple, ce que, sur leurs lentes épargnes, ils lui avaient pu prêter. C’était un mot, une phrase, un geste ; un sourire d’intelligence au jeune Barnave ; un regard terrible « assené » aux Lameth ou à Maury ; une apostrophe « aux trente voix », avec un froncement de sourcils et un hochement de « sa terrible hure ».

Avec un art infini, avec une dextérité prodigieuse, il coupait, il élaguait, il ajoutait ; il cousait ensemble des morceaux disparates qu’il reliait par des reprises rapides à la trame dont sa main puissante tenait tous les fils. C’était là son œuvre ; et si le manuscrit était aux autres, le discours était bien à lui.

Ce n’était pas seulement ses secrétaires qu’il employait à son éloquence ; une note qu’on lui faisait passer quand il montait les marches de la tribune, un mot qu’il venait d’entendre dans la salle, tout lui était bon. « Quand il t’aura volé une idée, écrivait son père, il a tant de confiance et d’audace qu’il la fera ronfler tout de suite en belles phrases. » Ce n’est là qu’une boutade du marquis, mais où il y a pourtant un grain de vérité. L’art et le métier de l’orateur, ce n’est pas d’avoir beaucoup d’idées qui n’appartiennent qu’à lui, mais de saisir promptement, d’où qu’elle vienne, celle qui convient précisément au temps où il parle, au lieu où il parle et aux gens qui l’écoutent. Un seul mot fait souvent la fortune d’une journée. Il s’agit de le trouver et de le dire.

Forum et Jus ! Forum et Jus !!! Je me souviens