Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
MIRABEAU.

est de voyager sur une mappemonde, ou de marcher sur la terre », a-t-il répété souvent.

Dans cette assemblée, qu’il dépassait de tout son génie, les auxiliaires et les adversaires ne lui manquaient pas ; auxiliaires incertains et défiants dont ses brusques incartades déconcertaient trop souvent le zèle : Mounie, Malouet, les deux La Rochefoucauld, Bailly, Talleyrand, Lally-Tollendal ; — adversaires éloquents, ardents et habiles : Barnave, qu’il ménageait et qu’il malmenait tour à tour ; les frères Lameth, qu’il traitait comme des malfaiteurs ; l’abbé Maury, qui se plaisait à le harceler de ses escarmouches hardies. Mais, au milieu de ses colères oratoires, jamais il ne connut la rancune ni l’envie ; en dépit des passions tyranniques contre lesquelles elle ne savait pas se défendre, il y avait, au fond de cette âme bien née, je ne sais quelle grandeur souveraine où des rivalités mesquines ne pouvaient atteindre.

Quelle place aurait tenue cet homme étrange parmi les orateurs et les politiques de notre temps ? Il serait trop long de le chercher ici, et peut-être indiscret de le dire. J’ai parlé tout à l’heure de Berryer. Malgré moi, ce grand nom se présente encore à ma pensée, mêlé aux souvenirs lointains de ma jeunesse et aux travaux de toute ma vie. De tous les orateurs que j’ai entendus depuis cinquante ans, il est le seul qui, à tort ou à raison, m’ait fait songer quelquefois à Mirabeau. L’ampleur, la souplesse, l’émotion so-