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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/18

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MIRABEAU.

dant démocratique de Louis XIV entrant tout botté dans la grand’chambre du Parlement.

Ajoutez à ce tableau la figure élégante et frêle du marquis de Dreux-Brézé dans son costume de cour, avec le chapeau à plumes et les talons rouges, s’effaçant devant l’habit noir du Tiers-État comme le fantôme de la royauté devant l’apparition soudaine du peuple. Voilà, sans l’envisager de plus près, dans quel cadre, dans quelle auréole nous avions entrevu Mirabeau.

Tout n’était pas faux dans cette vision écourtée. Ce qui l’était absolument, c’était l’impression que nous en devions garder. Avec cette mise en scène et ces airs de gloire, avec ce jour de théâtre qui éclaire un seul point , supprime les détails et déplace les ombres, on avait, non pas l’homme, mais le personnage ; et l’on passait, sans le voir, comme si ce n’était qu’un orateur et un tribun, devant un des mortels les plus compliqués que l’histoire ait jamais trouvés sur sa route.

Pour le débrouiller et le voir comme il est, à travers les fables de la politique et les mensonges des partis, ce n’est pas lui seul qu’il faut connaître ; ce sont tous les siens.

Je ne crois ni aux fatalités héréditaires, ni aux destinées inévitables. Chacun répond de soi dans ce monde, et la loi des origines n’est peut-être que la superstition commode des âmes dégoûtées de la liberté. Mais cet homme est si fortement engagé dans toute sa race qu’on chercherait en vain à l’en isoler