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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/187

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MIRABEAU.

rencontres passagères et courtoises. Devenus députés l’un et l’autre, Lamarck s’était pris d’une sorte de tendresse généreuse pour ce grand lutteur dont il devinait les angoisses. Après ses plus beaux discours, quand le bruit des applaudissements et des murmures était tombé, il le voyait isolé dans son éloquence, suspect à tout le monde, relégué dans sa puissance solitaire, entre la haine envieuse de ceux qu’il combattait et la médiocrité méfiante de ceux qu’il voulait servir. Sous l’emportement de sa parole, sous la violence des apostrophes, à travers le bouillonnement de cette éloquence impétueuse, l’observateur attentif sentait bien le fond de raison solide et de sagesse profonde qui était comme le flot large et tranquille de cette écume. Sous le tribun il voyait percer l’homme d’État. Il rêvait le ministre tout-puissant de la royauté pour longtemps affermie, ou le dictateur populaire de la révolution arrêtée pour un jour.

Peu à peu, malgré les distances qui les séparaient, une sympathie secrète et sincère porta ces deux hommes l’un vers l’autre. Le comte de Lamarck devint le confident de Mirabeau, son ami, le consolateur de ses ennuis, le conseiller de ses ardentes incertitudes : il faut bien le dire aussi, la providence toujours prête de sa vie besogneuse et de ses finances en désordre.

J’ai lu dans un ouvrage remarquable que le comte de Lamarck était « un intrigant émérite », et qu’il avait été, par ses avances perfides, « le mauvais