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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/206

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MIRABEAU.

âme, et les courtes dimensions de sa tête ;… le comte de Provence, qui tremble et meurt d’envie de se mettre en avant ; qui a peur d’avoir peur,… qui a la pureté d’un enfant comme il en a la faiblesse, et qui, s’il se laissait faire seulement vingt-quatre heures, serait un second duc d’Orléans ; le Roi enfin, « qui n’a qu’un homme, c’est sa femme » !…

Dans ces portraits tracés à la hâte, dans quelque accès de colère, grossis outre mesure, et que défigure l’énormité de leur ressemblance, je veux faire la part de la passion et de la fantaisie. Mais, tels qu’ils sont, ils montrent bien ce qui manquait peut-être à Mirabeau pour devenir jamais un heureux politique. Sans doute, il faut prendre les hommes pour ce qu’ils sont, mais rien de plus ; quand on veut les gouverner, il ne faut pas tant les mépriser ; il ne faut pas surtout leur faire si bien voir qu’on les méprise. Là comme ailleurs, à cette vaste intelligence, le tact et la mesure faisaient défaut ; le frein qui arrête à temps la machine.

Ainsi, tout rempli de lui-même, du bruit de sa parole et de l’éclat de ses succès, il ne voyait pas que, à tort ou à raison, la Fayette avait dans les mains deux puissances formidables, au moins égales à la sienne : le prestige militaire et la popularité ; que, tel quel et à tout prix, il fallait marcher avec lui ; qu’à eux deux ils pouvaient presque tout ; que, séparés, ils se détruisaient l’un l’autre. Mais cette ambition « vorace » ne savait rien partager.