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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/209

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MIRABEAU.

Tantôt il s’efforce de réveiller le Roi, de trouver « une anse » pour soulever sa lourde résignation et son incertitude immobile, le conjurant d’appeler auprès de lui « les seuls royalistes qu’il doive dénombrer, écouter et croire ». Tantôt il lui montre avec effroi les dangers du dehors ; et, avant de dénoncer à la tribune, dans un discours véhément, le manifeste de Condé, il signale au malheureux prince les périls que les folies des émigrés font courir à la monarchie.

La reine, du moins, semble le comprendre ; et, malgré des défiances légitimes, paraît entrer dans ses desseins. La fille de Marie-Thérèse envisage virilement le danger. C’est à elle que Mirabeau s’adresse, qu’il s’attache et qu’il se cramponne : « Le moment pourrait venir, lui dit-il, où il faudrait voir ce que peuvent, à cheval, une femme et un enfant. C’est, pour la reine, une méthode de famille. » Mais il est déjà trop tard, et le temps est passé de ces héroïques chevauchées. Mirabeau le sent bien lui-même, et prenant le comte de Lamarck à témoin de ses pressentiments sinistres, il lui répète sans cesse, connue dans une vision qui l’obsède, ces mots qu’il lui avait déjà dits dans les premiers temps de leur liaison : « Tout est perdu ! Le Roi et la Reine périront, vous le verrez ! La populace battra le pavé de leurs cadavres ! » — « C’était toujours là, dit Lamarck, son épouvantable refrain ! »

Son refrain aussi, c’était qu’à tout prix il fallait faire sortir de Paris le Roi et la Reine, appeler autour d’eux des amis dévoués et des troupes fidèles ;