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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/211

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MIRABEAU.

d’héroïsme par Harmodius et Aristogiton ! » Fallait-il laisser le Roi aux mains du peuple, à la merci d’un coup de main, gardé, comme on l’avait dit sans rire « par le seul amour de ses sujets », et défendu par les baïonnettes flottantes dont la Fayette n’était déjà plus le maître ?

Dans les clubs, dans les conciliabules des loges maçonniques, dans les visions sanguinaires de Marat, on voyait reparaître cette vieille secte sauvage et bornée qui, depuis le temps de la Ligue, a changé d’église ou de pagode, mais dont la liturgie immuable n’a jamais connu que deux variantes et deux formules : quand elle tient le pouvoir, elle exécute ; quand elle veut le prendre, elle assassine. « La férocité du peuple augmente de jour en jour », écrivait Mirabeau ; et, en temps de révolution, malheur aux otages !…

Sans doute, la guerre civile est un fléau ; mais si, à ce prix, la France eût échappé au morne despotisme des Jacobins, aux massacres de Septembre, aux échafauds et aux noyades de la Terreur, morts pour morts, qui donc, pouvant prévoir l’avenir, n’eût pas accepté de grand cœur ce sanglant échange ?

On aurait eu quelques années plus tôt des Larochejaquelein, des Charette et des Bonchamp, on n’aurait jamais connu peut-être les Danton, les Robespierre, les Fouquier-Tinville et les Carrier.

Quoi qu’il en soit, bons ou mauvais, de pareils desseins, pour réussir, devaient être suivis avec résolution et poussés avec vigueur. Celui qui les