Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
MIRABEAU.

je mourrai aujourd’hui. Quand on en est là, il ne reste plus qu’une chose à faire, c’est de se parfumer, de se couronner de fleurs et de s’environner de musique, afin d’entrer agréablement dans ce sommeil dont on ne se réveille pas…. » Ne pouvant plus parler, il écrivit un mot : « dormir… ». Ce fut le dernier effort de cette grande intelligence vaincue. Pour que cette mort païenne, un peu théâtrale, mais non sans grandeur, ait été une mort tout à fait impériale et romaine, il n’y a manqué que le mot de Néron : Qualis artifex perco !

C’était un souverain, en effet, qui était enlevé à l’amour et à l’admiration de ses sujets. On le vit bien, à l’épreuve. Sa popularité lui survécut pendant plus d’une semaine ! Comme il semblait impossible que Dieu tout seul eût attenté à des jours si précieux, nul doute que ses ennemis ne l’eussent fait empoisonner. Le peuple désignait les assassins. La justice fut sommée d’agir ; et quarante-quatre médecins, surveillés par l’accusateur public et par sept « délégués de la nation, » procédèrent à l’autopsie. Dans ce corps usé par la fatigue, on ne trouva nulle trace de poison. Les souffrances de sa jeunesse, les passions, les excès, les plaisirs, le travail et les soucis étaient les seuls coupables ou les seuls complices de cet irréparable malheur. Le grand prodigue était mort à force de vivre.

On fit à Mirabeau des funérailles royales. La cour, le clergé, l’Assemblée nationale, les sociétés populaires rivalisèrent de douleur et d’éloges, la Fayette